La réforme sur le droit du travail du président Macron est en marche ! Elle s’inspire directement de son programme de campagne, où elle est présentée comme une opportunité pour les entreprises et les salariés de négocier au plus près du terrain et de lever les freins à l’embauche en CDI.
Se réclamant du dialogue social, elle marginalise en fait les syndicats. Nous avons souhaité évoquer quelques mesures marquantes de ces ordonnances.
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- Fusion des Instances Représentatives du Personnel (IRP)
Adieu à la diversité des IRP qui vont être assemblées en une seule instance, le Comité Social et Economique (CSE). Il comprendra les Délégués du Personnel (DP), le Comité d’Entreprise (CE) et le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail (CHSCT). Un même membre du CSE se verra donc attribuer les fonctions de 3 instances. Cette fusion se fera par le biais d’un accord d’entreprise. Sa mise en place sera effective à partir du 31 décembre 2019.
Les élus devront maîtriser en profondeur les sujets évoqués, et ce, dans un laps de temps défini. Dans ce contexte, les élus n’auront d’autres choix, pour remplir sérieusement leurs différentes prérogatives, de se former, s’informer, et s’entourer de conseils avisés.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés ou dans les entreprises à risque, il y aura néanmoins d’office une commission « hygiène, sécurité et conditions de travail ».
Il sera aussi possible de mettre en place, par accord majoritaire, un « conseil d’entreprise » qui pourra non seulement occuper les fonctions de concertation et de négociation des représentants du personnel, mais qui jouera aussi un rôle de co-décisionnaire avec l’employeur sur certains sujets.
Cette vision de l’entreprise aura pour conséquence de complexifier le dialogue social entre salariés et élus, et donc une baisse de l’influence des représentants du personnel.
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- Plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif
Une vieille revendication patronale qui a déjà failli entrer en vigueur à deux reprises. La troisième fois aura été la bonne. Cette mesure prévoit un barème obligatoire des dommages et intérêts alloués par le juge prud’homal en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui revient sur le devant de la scène. Censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi Macron de 2015 et finalement écarté du projet de loi Travail en 2016, ce barème d’indemnisation est intégré dans l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Il s’applique aux litiges nés de licenciements notifiés postérieurement à la publication de l’ordonnance, soit après le 23 septembre 2017.
Le juge prud’homal doit désormais respecter des planchers et des plafonds lorsqu’il fixe le montant des indemnités prud’homales à verser à un salarié ayant contesté un licenciement abusif aux prud’hommes. Pour les indemnités, un barème obligatoire sera établi en fonction de l’ancienneté du salarié. En effet, dans les entreprises d’au moins 11 salariés, les montants des indemnités varient d’1 mois à 20 mois de salaire brut (après 30 ans d’ancienneté).
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, un montant minimal d’indemnisation est créé, entre 0,5 et 2,5 mois de salaire brut.
Le droit à l’indemnité légale de licenciement était ouvert dès huit mois d’ancienneté. Désormais, le délai imparti au salarié pour contester la rupture de son contrat de travail quel qu’en soit le motif serait ramené à 12 mois. En compensation, les indemnités légales de licenciement seront augmentées de 25 % (1/5ème auparavant).
L’objectif de cette mesure, est de donner aux employeurs plus de visibilité sur leur risque en cas de licenciement. En d’autres termes, une « provision » ayant pour but d’absorber le coût éventuel d’un licenciement abusif. L’autre objectif est de les inciter à embaucher en CDI plutôt qu’en CDD, cela suppose qu’il sera sans doute aussi plus facile de licencier.
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- Nouvelle version de la Pénibilité au travail
Le Compte Pénibilité sera rebaptisé « Compte Professionnel de Prévention » à compter du 1er janvier 2018. En effet, l’une des cinq ordonnances entrée en vigueur au journal officiel le 22 septembre 2017 fixe les contours du nouveau compte professionnel de prévention (C2P), destiné à libérer les employeurs d’une partie de leurs obligations.
L’ordonnance prévoit la sortie de 4 facteurs de risques. L’employeur doit déclarer l’exposition de ses salariés à 10 facteurs de risques liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail, dès lors que les seuils réglementaires sont dépassés.
L’ordonnance prévoit que cette obligation de déclaration ne portera plus que sur les facteurs de risques liés à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail. En clair, l’obligation de déclaration sera supprimée pour les 4 facteurs de risques : les postures pénibles, les vibrations mécaniques, la manutention manuelle des charges et l’exposition aux agents chimiques dangereux.
Concrètement, ces 4 facteurs de risques seront évincés du fonctionnement du compte professionnel de prévention. Ils seront traités dans le cadre d’un dispositif qui existe déjà, la retraite anticipée pour incapacité permanente.
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- Simplification des négociations collectives
A partir du 1er mai 2018, pour être validés, les accords d’entreprises devront être approuvés par des organisations représentants 50 % des voix, contre auparavant 30 %.
Concernant les TPE, pour les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra négocier sans la présence d’un délégué syndical, un projet d’accord directement avec ses salariés.
Ainsi, un vote à la majorité des deux tiers du personnel suffira pour parapher l’accord.
Les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés pourront négocier directement avec un élu du personnel sans avoir recours au mandatement, en cas d’absence de délégué syndical.
Les sociétés de 20 à 50 salariés pourront, quant à elles, négocier aussi avec le délégué du personnel non mandaté.
Cela se traduit par une augmentation des pouvoirs de l’employeur et s’accompagne également d’une marginalisation du rôle des délégués syndicaux dans la négociation des accords.
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- Primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche
L’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise dans onze domaines comme par exemple : les salaires minimas hiérarchiques, les classifications, les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires, les mesures relatives aux CDD et aux contrats de travail temporaires.
L’accord de branche pourra toutefois conserver sa primauté et « verrouiller » la négociation d’entreprise à condition de le prévoir de manière expresse et seulement dans quatre domaines : prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels (pénibilité), insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical, primes pour travaux dangereux ou insalubres.
Pour tous les autres sujets, l’accord d’entreprise prévaudra sur l’accord de branche, qu’il soit conclu antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’accord de branche.
Cette primauté bouleverse la hiérarchie des normes et a pour seul but d’asseoir le pouvoir de l’employeur sur la politique sociale de l’entreprise afin d’optimiser et légitimer ses pouvoirs de gouvernance.
– Hina Ariki
Photo : Superbenjamin